Tuesday, August 12, 2008

Ils ont écrit

"Le vent contera nos romances à la feuille du citronnier et la feuille essaimera le pollen du dire des fous"

GARY AUGYATIN
Gary Augustin, est passionné de littérature et de peinture. cette citation est tirée de son premier recueil de poèmes "Gironde du jour" Page 20, édition mémoire 1994

Dans l'actualité


Dany Laferrière: Le maître du jeu.

Scénariste, intellectuel et écrivain du continent américain, Dany Laferrière confirme son talent pour les titres forts avec son nouveau roman, Je suis un écrivain japonais. De passage à Québec lors du dernier Salon du livre, celui à qui on consacrera bientôt un documentaire a rencontré le libraire. Discussion autour d’un roman qui s’interroge sur l’identité, la littérature et le concept même de livre.

Vingt ans après la parution de son premier roman au titre accrocheur, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, et une quinzaine de bouquins plus tard, Dany Laferrière nous revient avec une fiction qui n’en est pas une sur un livre qui ne s’écrira pas. Le récit de Je suis un écrivain japonais semble d’abord très simple. Un écrivain noir vivant à Montréal promet à son éditeur un nouveau roman dont le titre sera: «Je suis un écrivain japonais.» Tout le livre s’articule autour de l’écriture de ce roman qui ne se fera finalement jamais. Entre-temps, l’écrivain prend des bains, lit Basho (créateur du haïku), s’amourache de jeunes Japonaises et doit faire face à une popularité grandissante au pays du Soleil levant. Derrière cette apparente simplicité se cache un livre très construit, presque cartésien, dont le titre sonne comme une provocation.Avec ce titre, Dany Laferrière s’interroge sur la notion même d’identité. Il rejette celles qui sont convenues et ô combien sécurisantes. Il revendique le droit à l’identité qui nous convient. Où sommes-nous nés? Où vivons-nous? Voilà de fausses questions donnant lieu à de nombreux malentendus. Pour l’homme de lettres, «le vrai pays de l’écrivain, c’est la bibliothèque. Si on veut connaître un écrivain, on devrait visiter sa bibliothèque». A défaut de bibliothèque, consultons les références littéraires de ce Japonais fantasque qui convoque allègrement Basho, Mishima et Tanizaki. Ici, l’auteur assume ses origines nippones, des origines métissées d’Amérique à saveur de migration, car l’écrivain, désormais japonais, se réclame aussi du mouvement (dans le sens du déplacement, du voyage) puisque seront également convoqués Kerouac et Miron. Mais est-ce Laferrière qui se dit japonais ou son héros? Car l’identité de ce dernier n’est jamais clairement établie; le flou identitaire s’installe dès le début. Bref, notre héros, qu’on ne nomme jamais, lit beaucoup. Il fait d’ailleurs l’éloge de la lecture. Il évoque le profond plaisir de lire, les voyages que procure la lecture: «Je n’étais jamais rassasié. Je rêvais qu’un jour, j’entrerais dans un livre pour ne plus jamais revenir. C’est ce qui m’est enfin arrivé avec Basho.»L’ivresse des livresNous voilà donc entraînés dans l’univers de Basho par l’entremise du héros qui, lui, est un lecteur assidu du maître japonais. Rien ne semble vouloir distraire notre héros de son occupation première, la lecture: «Il m’arrive de parler à quelqu’un au téléphone tout en continuant ma lecture — pas toujours… Sauf que je l’ai fait une fois, par hasard, et j’ai trouvé que chacune des deux occupations nourrissait l’autre.» Est-il possible de s’immiscer dans la lecture de quelqu’un d’autre? Laferrière semble penser que oui:«À mon avis de lecteur moyen, je n’ai jamais vu un livre avec un lecteur dedans. J’ai déjà vu des livres où le narrateur se dit lecteur; qu’il est en train de lire des livres, qu’il regarde des livres, mais dès qu’il ouvre le livre, c’est terminé.» Lire dans le livre: voilà l’un des défis que s’est lancés Laferrière avec Je suis un écrivain japonais. L’illusion est presque parfaite puisqu’à la fin du récit, on ne sait plus si le héros a vraiment vécu ces aventures, s’il les a simplement imaginées ou s’il les a tout bonnement lues dans son bain, et nous avec lui. Sous des dehors ludiques, le dernier livre de Laferrière prend des allures de casse-tête, voire de testament poétique. L’écrivain revendique entre autres le droit du lecteur à la reconnaissance: «Le lecteur a une importance capitale dans le livre. Ce qui est embêtant, c’est que le lecteur a pris l’habitude de ne pas trop s’accorder d’importance. Le lecteur lui-même a pris l’habitude de croire qu’il était un écrivain raté… Il faut redonner sa dignité au lecteur; il est vraiment la moitié de l’affaire.» Laferrière n’en démord pas, le roman est véritablement un phénomène de «création conjointe», ce qui l’amène même à dire: «Je prends la nationalité de mon lecteur… C’est un hommage au lecteur. C’est lui qui explique, conçoit, donne tout son sens à un roman. En fait, il cherche chez l’autre ce qu’il est lui. L’écrivain, pour sa part, n’est que le feu d’allumage.»Au-delà des motsEn s’enfonçant plus profondément dans les dédales du récit, on réalise que l’histoire de cet écrivain qui n’écrit pas est un piège joyeusement tendu par l’auteur. En fait, le sens de Je suis un écrivain japonais réside peut-être dans ce chapitre où l’attaché culturel du Japon, monsieur Tanizaki, vient dire au revoir au héros avant de retourner au pays du Soleil levant.«Je rentre au pays. Je vais pouvoir reprendre mon travail dans le vieux lycée où j’enseignais la poésie. […] Oh, une importante maison d’édition m’a demandé de faire la préface de votre livre. Je vais prendre quelques jours avant de m’y mettre. Je tenais à vous dire que ce fut un honneur pour moi de vous côtoyer. Votre livre a changé ma vie.— Mais je n’ai pas écrit de livre…— Vous avez fait mieux, murmure-t-il l’air ému.»«L’idée du livre vaut-elle le livre?», s’interroge Laferrière. On dépasse ici le concept même de livre. L’auteur a été tenté par ce pari insensé: dépasser l’objet-livre grâce à la seule force de l’idée. Comme si la force même du titre avait réussi à transcender le livre lui-même. Notre héros, écrivain de son état, va semer la confusion au Japon et entraîner changements et revendications, et ce, grâce au titre d’un roman qu’il n’a pas écrit. La boucle est bouclée, on revient à la puissance du titre, à sa force évocatrice; Je suis un écrivain japonais, tout est là.Le lecteur avide de distraction sera peut-être lassé par le flou savamment orchestré qui émane de la structure du livre. Qui est qui? Fiction ou réalité? Lisons-nous un livre dans le livre et surtout, que lisons-nous? Voilà les questions qui nous viennent à l’esprit au moment d’entamer sans méfiance ce roman. En revanche, le lecteur attentif y découvrira un modèle d’architecture littéraire. Tout y est pensé, réfléchi, l’écrivain devenant ainsi le maître du jeu: «J’ai voulu écrire un livre où, à la fin, le lecteur a l’impression qu’il n’a pas tout compris car il s’est fait abuser par la simplicité du ton, surtout au début, et il a laissé aller son esprit critique.» Nous voici donc abusés, bernés et heureux de l’être. Je suis un écrivain japonais est plus qu’un simple roman, plus qu’un art poétique, c’est presque un tour de force.


Par Anne-Josée Cameron

texto/ la poésie des ex-îlés

M ap ekri yon liv an kreyòl
M ap ekri pou ou
Pou tout moun ou te renmen
M a voye l Lamatinik
M a voye l La gwadloup
Voye l Lagiyàn
Voye l Lil Moris pou yo li l
M a voye l Lalwizyàn tou
M a li l nan radya pou tout moun tande
M ap ekri yon liv nan lang pa m
Mesye a yo mèt ri
M konn sa m ap fè
M gen 2 ou 3 bagay pou m di
M gen yon koze pou m koze Ak moun pa m

Kristyan Bolye o » (« Ô Christian Beaulieu ») est un poème extrait du premier recueil de Félix Morisseau-Leroy, Diacoute I (1953).
Notes: Nous publions ce texte pour rendre homage a Felix Morisseau Leroy, a l'occasion du dixieme anniversaire de sa mort.

Distans

Map mache pye atè

toutouni nan riyèl kè w

tout santye

mennen m yon sèl kote

de pla men w

se la m jwenn

solèy leve msere liben m

pale pale

mache bouske pi devan

sa demen sere pou nouse mistè

mwa d desanmgen yon fredi k antre

jouk nan sèvo m

tonton nwèl bliye m

m lonje menm tout longè

eseye fè l janbe fwontyèwè

si pwent dwèt nou

te ka touche

pase kouranfè

san n mache

mwen voye kè m ba ou

ou voye pa w ban mwen

yo ret kwoke nan wout

fredi lamerik dinò

fè yo tounen glas

yon vè wonm

jan m renmen l layon ti kout fil

nan mitan lanwit

de twa ti mo

ki fè m frèt fè m cho

ki reveye dènye sans mwen

pasyon mwen

anvi mwen

rèv mwen

sansasyon mwen

panse malelve mwen

yon distans lan mitan nou

kè nou kondane

lanmou fè jeretyen

Jeanie Bogart

Poetesse et diseuse, Jeanie Bogart est l'un des lauréats de la 1ère édition du Concours de Poésie en Langue Créole de la Caraïbe Prix Gilbert Gratiant organisée par l'association KALBAS LÒ LAKARAYIB (KL2).

Gade’w


Chak fwa mwen we’w
Yon bagay
Di’m gade’w

Alò, mwen tonbe gade’w
Kòm si se premye fwa
Mwen we’w

Mwen gade’w
Ak tandrès
Mwen gade’w
Ak apeti

A fòs mwen gade’w
Yon bagay di’m touche’w
Se domag ke men’m
Pi kout ke je’m

Roosevelt Boncoeur

Texte inédit (Aout 2008) tous drois réservés


l'édito

Ayibobo pour notre créole...
Au moment où je me préparais la semaine dernière, à écrire les premières lignes de notre éditorial, un évènement exceptionnel s’est passé à New York. Cela m’a contraint de repenser mon projet d’édito. Aujourd’hui, il n’y a aucun doute dans tête que j’avais pris la bonne décision. Car, ce petit décalage dans la publication de notre « revue-blog » m’a offert la possibilité de mettre en exergue une information de première importance.

La nouvelle est tombée il y a deux semaines, le créole est désormais officialisé dans la ville de New York et devient langue officielle de communication dans les bureaux publics. Cette décision a été prise suite à un décret signé par le maire de la « Big Apple », Michael Bloomberg, le mercredi 23 juillet, demandant aux agences de la ville de fournir des services dans les six langues les plus utilisées en dehors de l'anglais.Avec ce décret, la ville de New York a officiellement reconnu qu'elle était polyglotte. Et, en ce sens, les agences municipales sont obligées de se doter d'au moins un employé coordonnateur compétent de manière à servir les créolophones à coté des cinq autres langues les plus utilisées de la ville (hors anglais) : le russe, le coréen, le chinois, l'espagnol et l'italien. « Chaque agence municipale devra désigner d'ici 45 jours son coordonnateur pour les langues, qui devra mettre en oeuvre un plan permettant à tous les services de l'agence d'être disponibles dans les six langues concernées. Les formulaires, les documents officiels, les brochures d'information, ou des rapports d'inspection seront traduits. D'ici le 1er janvier 2009, les agences municipales devront être prêtes à servir les New Yorkais qui ne parlent pas anglais », a informé M. Bloomberg.

Maintenant, c’est à nous haïtiens, (ex-îlés) de cesser de nous vilipender. De cesser de rabaisser notre langue maternelle au plus bas niveau. Nous avons de préférence le devoir de valoriser cet héritage commun qui nous caractérise et qui définit notre identité de peuple.

Se kreol nou ye !...
Ayibobo pou lang nou !...